F.C.D.É.

Notes sur le débat contre-interrogatoire
(tirées de : Atelier pour le débat français
, de Chantal Jauvin, Ontario et
Une introduction au débat contre-interrogatoire, traduit de l'anglais)

Jocelyne Tessier, septembre 1997

Le débat contre-interrogatoire, développé vers 1920, se caractérise de plusieurs façons.Il rappelle ce qui se passe à la cour lorsqu'un témoin parle puis que l'avocat de la partie adverse le questionne. Ce style de débat présente une question de valeur, par exemple : Les jeux de hasard sont-ils nuisibles à la société? Les équipes doivent surtout présenter des arguments logiques pour ou contre la question. Contrairement au débat parlementaire, il n'y a pas de plan de mise en oeuvre à élaborer.

Il n'y a pas de points d'ordre, de points d'information, de questions de privilège ni même de chahut. À la toute fin, le modérateur invite les orateurs à signaler toute infraction aux règles du débat.

Lors d'un débat contre-interrogatoire, après son discours constructif de cinq minutes, chaque orateur devient un témoin, interrogé pendant trois minutes par un interrogateur membre de l'équipe adverse. Après les discours constructifs et les contre-interrogatoires, il y a une pause d'une minute maximum, puis la réfutation de trois minutes de chaque orateur.

Les orateurs peuvent s'adresser directement les uns aux autres durant le contre-interrogatoire (N'avez-vous pas dit... ?); mais durant les discours, ils s'adressent à la troisième personne (Le témoin affirme...).

Le modérateur annonce dans l'ordre les discours constructifs de chaque orateur mais n'annonce pas l'intervention de l'interrogateur; il faut qu'à la fin de son argumentation, l'orateur, prêt à devenir témoin, dise à l'interrogateur : «J'attends vos questions».

Discours constructifs

  1. Même s'il s'agit d'une question de valeur et non de fait, la clé du succès est dans la préparation et dans la recherche de preuves à l'appui de vos arguments : allez chercher les faits et les statistiques, les opinions d'experts qui vous permettront de répondre à l'interrogateur et de confondre le témoin.
  2. Le travail d'équipe est essentiel : mettez-vous d'accord sur les définitions et les opinions à transmettre. Par exemple sur la question des jeux de hasard, il ne faut pas qu'un membre de la partie négative condamne les bingos de paroisse et que son partenaire les accepte comme exception à la règle.
  3. Le premier orateur affirmatif définit les termes, résume son interprétation de la question et identifie les principaux points de son argumentation en se reportant aux arguments que son partenaire développera.
  4. Le premier orateur négatif, après le contre-interrogatoire du premier orateur affirmatif, annoncera les divergences d'opinions de son équipe, contestera la définition si nécessaire, attaquera les faiblesses de l'argumentation affirmative relevées par les questions qu'il a posées, et avancera de nouveaux arguments liés aussi aux questions posées.
  5. Le second orateur affirmatif se servira à son tour des aveux soutirés au premier orateur négatif pour reconstruire la thèse affirmative et attaquer les arguments négatifs, puis développera les arguments annoncés par son partenaire.
  6. Le second orateur négatif utilisera les aveux soutirés au deuxième orateur affirmatif pour poursuivre l'attaque de son équipe.
  7. Les orateurs qui parlent après un contre-interrogatoire commencent ordinairement par une phrase semblable à la suivante :
    « Monsieur le modérateur, avant de commencer mon discours constructif, j'aimerais souligner les aveux du témoin ».

Procédure de la période de contre-interrogatoire

  1. L'interrogateur contrôle le contre-interrogatoire et peut interrompre un témoin évasif ou verbeux. Il doit cependant donner au témoin suffisamment de temps pour répondre à une question.
  2. Le témoin a le droit de nuancer ses réponses; l'interrogateur ne peut pas exiger un simple oui ou non.
  3. Le témoin doit répondre à toutes les questions pertinentes.
  4. Lorsqu'il pose des questions ou lorsqu'il y répond, l'orateur ne peut se faire aider par son partenaire.
  5. Le témoin ne peut répondre par une question ni poser des questions sauf pour clarification.
  6. Les juges pénalisent l'interrogateur qui fait un discours, le témoin qui ne coopère pas, les orateurs qui font de l'obstruction, qui manquent d'à-propos, qui sont désinvoltes, impolis, intimidants ou qui tentent de rabaisser un adversaire.

But de l'interrogateur

  1. Convaincre les juges que sa position est la bonne.
  2. Souligner le manque d'information et de préparation du témoin.
  3. Contester les arguments de la position adverse.
  4. Souligner les contradictions, le manque de logique ou de preuves et toute autre lacune de la position adverse.
  5. Préparer un argument qu'il avancera dans son discours.

Préparation de l'interrogateur

  1. Faites d'abord votre recherche et ensuite préparez vos questions. Revoyez vos arguments, déterminez de trois à cinq arguments faibles que l'équipe adverse pourrait avancer. Décidez ce que vous désirez faire admettre au témoin. Par exemple, dans un débat sur «Les policiers ont-ils trop de pouvoirs?», la partie négative peut vouloir faire admettre que le public n'est pas plus menacé que dans le passé.
  2. Préparez et rédigez plusieurs questions pour attaquer les points faibles anticipés.
  3. Préparez des questions qui soulèvent les points essentiels et appellent le genre de réponse que vous cherchez pour les reprendre dans votre discours. Il y a des aveux de faits et des conclusions. Une série de questions de faits, suivie de quelques statistiques si le témoin se défile, mène à une conclusion voulue. Par exemple :
    (Faits) N'est-il pas vrai que le taux de crimes violents a diminué depuis 1980? ... que le nombre d'assauts contre les policiers a aussi diminué depuis 1980?
    (Statistiques) Saviez-vous qu'en 1995, le taux de crimes violents est passé de 14 incidents à 9 par 1000 personnes? ...qu'à cette même période, les assauts contre les policiers sont passés de 312 à 249 au Canada?
    (Conclusion)N'est-il pas évident que le public et les policiers ne sont pas menacés davantage aujourd'hui?
  4. Réfléchissez aux réponses possibles pour ne pas vous laisser surprendre par des réponses inattendues : ne préparez pas de question dont vous ne connaissez pas la réponse; anticipez les réponses qui nuisent à la position de l'adversaire.
  5. Rédigez des questions précises et évitez celles qui permettent au témoin de donner de longues réponses. Habituez-vous à commencer par un verbe (Prétendez-vous que... , Saviez-vous que... , Croyez-vous que... , N'est-il pas vrai que...) Évitez les questions qui commencent par «Pourquoi» ou «Comment».
  6. Ne préparez pas de questions provocantes qui créent de la tension.
  7. Préparez plusieurs séries de questions pour ne pas vous attarder sur une série de questions qui n'amènera pas la réponse voulue. Une série de questions (de 3 à 10) se rapporte à un aspect : en cherchant l'information petit à petit, vous vous assurez qu'on suit votre ligne de pensée pour établir un point important.
  8. Préparez votre stratégie avec votre partenaire; échangez des questions si nécessaire.

Préparation du témoin

  1. Faites une bonne recherche sur le sujet et trouvez des preuves à l'appui de vos affirmations.
  2. Soyez prêt à répondre à toutes sortes de questions et préparez vos réponses. Évitez les surprises.

Comment mener l'interrogatoire

  1. Classez vos questions dans un ordre qui correspond au discours du témoin, en commençant par des données connues et en procédant vers les faiblesses de l'argumentation de l'adversaire. Classez vos questions de sorte qu'un aveu antérieur rende difficile la réfutation d'un point soulevé par une question ultérieure.
  2. Vous avez préparé plusieurs séries de questions mais choisissez la ligne de pensée la plus appropriée au discours du témoin. Approfondissez un aspect plutôt que de poser des questions disparates difficiles à reprendre dans votre propre discours. En moyenne, ne passez pas plus qu'une minute sur une série de questions. Assurez-vous de poser les séries de questions les plus importantes au début, au cas où vous manqueriez de temps.
  3. Formulez des questions claires, courtes, faciles à comprendre, qui ont rapport au discours du témoin ou à votre prochain discours.
  4. Évitez les mini-discours en préambule à une question; si vous désirez résumer ce que le témoin a dit, reprenez ses propos sous forme de questions aussi courtes que possible (Vous avez bien dit... , n'est-ce pas?).
  5. Si le témoin se défile, vous pouvez demander une réponse plus directe, souvent en répétant la même question. Mais n'insistez pas, passez à une autre question; évitez les digressions. S'il répond trop longuement, indiquez que vous avez compris, que la réponse est suffisante (Ça va, merci.). Mais, n'interrompez pas une réponse qui va à l'encontre de l'aveu que vous cherchez: les juges croiront que votre position est faible. Vous contesterez cette réponse dans votre discours.
  6. Adoptez une attitude courtoise et pleine de bonne humeur. Évitez l'indignation, le sarcasme et l'attitude hautaine qui intimident le témoin et le rendent sympathique aux juges. Vous n'êtes pas un comédien procureur à la télévision en train de harceler un criminel.
  7. N'oubliez pas les réponses données à vos questions. Notez-les, s'il le faut, pour les évaluer et les interpréter dans votre discours.
  8. Enfin, si le témoin admet que vous avez raison, c'est une victoire; mais, même s'il refuse d'avouer quoi que ce soit, l'important est que les juges voient que vous avez raison.

Comment répondre aux questions

  1. Vous voulez créer une impression favorable sur les juges. Ne vous laissez pas intimider. Adressez-vous à l'auditoire et aux juges aussi bien qu'à l'interrogateur. Restez courtois, logique et de bonne humeur; contrôlez vos émotions. Il faut paraître prêt à coopérer et non sur la défensive. Soyez le plus nonchalant possible après un aveu pour en diminuer le poids.
  2. Toutes les questions bien posées demandent de bonnes réponses. Répondez de façon simple et directe. Mais nuancez vos réponses pour éviter les concessions ou les contradictions :(Si... , alors oui.). Expliquez avant de répondre directement oui ou non, pour ne pas être interrompu. Et soyez honnête. Si vous ne savez pas la réponse, avouez-le.
  3. Si vous n'avez pas compris la question, demandez à l'interrogateur de répéter ou de clarifier mais assurez-vous que c'est la faute de l'interrogateur et non la vôtre. Ne demandez pas de clarification juste pour gagner du temps. Écoutez attentivement et cherchez à déceler le piège tendu.
  4. Vous pouvez demander à l'interrogateur de cesser de discourir si le modérateur ne le fait pas et que les questions tardent à venir.
  5. Ne perdez pas de vue vos réponses, pour rectifier dans votre réfutation toute mauvaise interprétation donnée lors du contre-interrogatoire.
  6. Vous pouvez être en désaccord avec l'interrogateur; alors ayez assez d'information pour étayer votre opinion et éviter qu'on pense que vous vous défilez.
  7. Parfois, un aveu ne nuit pas à votre cas, parce que :

Les réfutations

  1. La réfutation du premier orateur affirmatif lui permet de se servir des aveux qu'il a soutirés durant le contre-interrogatoire qu'il a fait subir pour contester les arguments de ses adversaires, et de rectifier les interprétations qu'on a faites de ses réponses comme témoin. Il doit de plus résumer l'argumentation du camp affirmatif.
  2. Les autres orateurs rappellent leur discours constructif et leur interprétation des réponses données et obtenues et résument la position de leur équipe en démontrant qu'ils ont raison.

Références

Cooper, Scott, Cross Examination Debating : A Suggested Approach.

Filliter, John; Joel E. Pink, Q.C.; et Gerald B. Punké, An Introduction to Cross-examination Style Debating, monographie inédite de la Nova Scotia Debating Society.

UODE, Basic Instructional Guide.

Casey, Brian P., An Introduction to Cross-examination Debate, janvier 1984, révisé par John Filliter, janvier 1996.