F.C.D.É.

Les éléments du débat académique


Remerciements

Ce document doit beaucoup à plusieurs personnes et organisations, dont : David Bennett; A Guide to the Elements of Debate de la
« Debate and Speech Association of B.C. »; John Field; John Filliter; Chris Harker; et Rosemary Penn.

Introduction

Le débat académique, qui, contrairement au débat de style parlementaire, se déroule sans contre-interrogatoire et sans interruptions d'adversaires, est la forme la plus pure de débat. Quand on enlève les interruptions et les questions, on a le débat académique. Il convient aux orateurs débutants qui pourraient être intimidés à l'idée d'un contre-interrogatoire ou d'interruptions de style parlementaire. Mais il prend vie, lorsqu'un orateur chevronné, libéré de toute interruption, utilise efficacement le temps alloué pour mener son discours à une conclusion puissante et émouvante. Il est particulièrement important que les orateurs fassent un effort conscient pour répliquer aux arguments des adversaires, parce que l'absence d'interruptions et de contre-interrogatoire risque de faire du débat une série de discours indépendants.

Comment le débat académique diffère des autres styles

Le débat académique présente une série de discours alternativement pour et contre une proposition. Il diffère des autres styles de débats par le fait qu'il n'y a aucun ornement, seulement des discours : contrairement au style parlementaire, il n'y a pas d'interruptions (points d'ordre, points d'information ou questions de privilège), et aucun chahut sauf avec permission formelle; contrairement au style contre-interrogatoire, on n'accorde pas de période de questions. Puisqu'il n'y a pas d'interruptions, on permet aux orateurs, à la fin du débat, de signaler les infractions au règlement commises par leurs adversaires.

Le déroulement d'un débat académique est semblable à celui d'un débat contre-interrogatoire ou parlementaire. Un modérateur dirige le débat, présente chaque orateur au début de son discours et le remercie pour ses remarques à la fin. Le temps de parole est normalement semblable au temps alloué dans les autres styles de débats; tous les orateurs ont la même période de temps, sauf dans le cas des plaintes à la fin.

Au Canada, les débats académiques à l'école secondaire suivent l'un des deux modèles de réfutation : celui d'Oxford et celui de Cambridge (et l'on nomme donc les styles de débats, le débat d'Oxford et le débat de Cambridge). Cette façon de les désigner n'est peut-être pas exacte mais les termes sont maintenant consacrés. Dans le débat d'Oxford, chaque orateur ne parle qu'une fois, sauf le premier orateur affirmatif. Dans ce discours unique, l'orateur doit incorporer son discours constructif et sa réfutation. Le premier orateur affirmatif, cependant, ne peut pas incorporer sa réfutation dans son discours (car aucun orateur du côté négatif n'a encore parlé), alors on lui accorde une période de réfutation finale. Dans le débat de Cambridge, chaque orateur parle deux fois, d'abord pour prononcer son discours constructif puis pour présenter sa réfutation.

Ceux qui connaissent les autres styles de débat remarqueront que le débat parlementaire suit ordinairement la réfutation d'Oxford et que le débat contre-interrogatoire peut suivre soit la réfutation de Cambridge ou une version modifiée de la réfutation d'Oxford.

Un débat académique selon le modèle d'Oxford se déroule comme suit :

(Exemple de temps alloué)
1er Affirmatif (discours constructif) 5 minutes
1er Négatif (discours constructif et réfutation) 8 minutes
2e Affirmatif (discours constructif et réfutation) 8 minutes
2e Négatif (discours constructif et réfutation) 8 minutes
3e Affirmatif (discours constructif et réfutation) 8 minutes
3e Négatif (discours constructif et réfutation) 8 minutes
1er Affirmatif (réfutation) 3 minutes
Plaintes au sujet des infractions aux règles d'un débat

 

Un débat académique selon le modèle de Cambridge se déroule comme suit :

(Discours constructif)

(Exemple de temps alloué)
1er Affirmatif 5 minutes
1er Négatif 5 minutes
2e Affirmatif 5 minutes
2e Négatif 5 minutes
3e Affirmatif 5 minutes
3e Négatif 5 minutes

(Réfutation)

1er Affirmatif 3 minutes
1er Négatif 3 minutes
2e Affirmatif 3 minutes
2e Négatif 3 minutes
3e Affirmatif 3 minutes
3e Négatif 3 minutes
Plaintes au sujet des infractions aux règles d'un débat


L'avantage du modèle de Cambridge, c'est qu'il met en relief les techniques de réfutation; il ne devrait pas y avoir plusieurs discours sans liens entre eux parce que, pendant la réfutation, l'auditoire s'attend à une attaque des arguments des adversaires. C'est un bon modèle pour enseigner les techniques de réfutation.

Le désavantage du modèle de Cambridge est la division rigide entre le discours constructif et la réfutation. Souvent, il serait plus efficace de réfuter les arguments d'un adversaire au début de ton discours avant de présenter tes propres arguments; le modèle de Cambridge ne le permet pas. Bien qu'un orateur puisse consacrer une partie de son discours constructif à la réfutation, dans le modèle de Cambridge, il le fait au dépens de son discours constructif parce qu'il ne convient pas de présenter des arguments durant la période de réfutation formelle (et les règles normalement l'interdisent). Tu peux réfuter dans les deux discours, mais l'argumentation ne se fait que dans le premier.

Un débat académique porte habituellement sur une question de fait (Les ovnis existent, Les Vikings ont découvert l'Amérique du Nord) ou sur une question de valeur (Les femmes sont meilleures que les hommes, La programmation à la télévision canadienne est plus valable que la programmation à la télévision américaine), plutôt que sur une question de politique (Qu'il soit résolu que [QSRQ ] le gouvernement limite l'assurance-santé. QSRQ le gouvernement augmente les pouvoirs des policiers). La proposition peut, cependant, être une question de politique, et dans ce cas, l'équipe affirmative peut présenter un plan de mise en oeuvre de la politique proposée. On peut trouver plus d'information sur les débats de questions de politique dans Les éléments du débat parlementaire.

Formules d'interpellation

Peu importe le modèle de débat académique, les orateurs s'adressent aux autres orateurs à la troisième personne en les désignant comme suit : le premier orateur affirmatif, le deuxième orateur négatif... Les orateurs peuvent s'adresser directement à l'auditoire: Ainsi, Mesdames et Messieurs, je conclus... Comme salutation, plutôt que de s'adresser à Monsieur le Président tel que dans le débat parlementaire, on emploie la formule suivante : Monsieur le modérateur (Madame la modératrice), honorables juges, dignes adversaires, Mesdames et Messieurs... De fait, il suffit de s'adresser à Monsieur le modérateur ou à Madame la modératrice. Les orateurs n'ont pas à employer de formule plus longue.

La stratégie

Récemment, deux des meilleurs orateurs au Canada ont décrit le débat académique comme étant le style "préféré". Ils n'avaient pas complètement raison, car ce style peut être le meilleur ou le pire. Le but de l'orateur est d'en faire le meilleur. Considérons ses avantages particuliers.

D'abord, personne ne peut t'interrompre (à moins que l'on permette la chahut ou que le modérateur te rappelle à l'ordre). Ainsi, durant ton discours, tu as le contrôle absolu : tu peux être tantôt très calme, tantôt très agité, sans craindre qu'au point culminant de ton discours un point d'ordre en détruise l'effet dramatique. Tu dois saisir l'occasion pour présenter tes arguments de la façon la plus efficace possible. Surveille ton langage et ta présentation. Sachant qu'il n'y aura aucune interruption, tu peux répéter ton discours jusqu'à ce que la partie préparée de tes remarques soit parfaite.

Par contre, l'absence d'interruptions présente quelques inconvénients. Souvent, les interruptions stimulent l'intérêt de l'auditoire, surtout si elles sont spirituelles. Sans interruptions, ton discours doit soutenir à lui seul l'intérêt de l'auditoire. En revanche, le contre-interrogatoire permet de relier des arguments opposés et de montrer leur interrelation. En l'absence de contre-interrogatoire, il t'incombe de répliquer directement à chaque argument de l'adversaire et de réfuter clairement les points particuliers et la position générale de son équipe. Ton succès dans ce style de débat dépend largement de ton habileté à résoudre ces problèmes.

Le modèle de Cambridge présente un défi supplémentaire : bien que l'ensemble de ta réfutation se fasse à la fin du débat durant la période de réfutation-défense-synthèse, tu dois réfuter certains points importants que tes adversaires viennent de présenter. Par exemple, tu ne peux pas attendre à la fin du débat pour attaquer les définitions. Et même si c'est permis, ce serait une mauvaise stratégie de ne pas signaler immédiatement les objections fondamentales aux arguments de l'adversaire. Si l'objection est posée à la première occasion, les juges comprendront comment les arguments s'opposent. Si tu attends à la fin du débat, les juges peuvent ne pas comprendre, ou pis, être déjà convaincus par l'argument de l'adversaire.

La période de réfutation finale est courte et précieuse. À ce moment-là, il faut présenter tes remarques très clairement. Organise-les soigneusement. Contrairement aux autres styles de débat, le modèle de Cambridge offre à l'orateur assez de temps pour préparer sa réfutation. Profite bien de ce temps. Les derniers orateurs de chaque équipe doivent faire un effort spécial pour bien résumer le débat. Pour leur permettre de faire une bonne synthèse, les autres orateurs doivent accepter de faire une plus grande part de réfutation. Les membres de l'équipe peuvent se partager les tâches de réfutation-défense-synthèse.

Le chahut

On permet parfois le chahut dans le débat académique. Pour plus d'information sur le chahut, lisez Les éléments du débat parlementaire.

La feuille d'évaluation

Au Séminaire national, les orateurs sont évalués au moyen d'une feuille d'évaluation identique à celle qu'on utilise pour les autres styles de débats; dans la plupart des tournois provinciaux, la feuille d'évaluation est à tout le moins semblable à celle qu'on utilise dans les autres styles de débats. La feuille d'évaluation du Séminaire national renferme une section distincte sur les Techniques de débat (connaissance des règles du débat, courtoisie et écoute, humour et emploi de procédés de rhétorique).

Traduit par Jocelyne Tessier
Octobre 1997

Brian P. Casey
Novembre 1984
Corrigé en février 1985
Révisé par John Filliter
Décembre 1995

N.B. Au Séminaire national, le débat académique de style Cambridge a été adapté pour les rondes de débats impromptus : le discours constructif dure six (6) minutes pour permettre aux adversaires de poser des points d'information. Le chahut est alors interdit.

On pose un point d'information brièvement sous forme de question ou de remarque, entre la première et la dernière minutes du discours constructif. Un orateur doit soulevé au moins un point d'information durant chaque discours constructif de ses adversaires. L'orateur interrompu doit répondre à au moins un point d'information posé par chacun de ses adversaires et décide quand il y répondra et le temps qu'il veut y consacrer.

Pour soulever un point d'information, un orateur doit se lever et dire : "Point d'information." L'orateur interrompu peut refuser le point d'information en disant "Non merci." et l'adversaire doit s'asseoir. L'orateur interrompu peut accepter de répondre immédiatement ou de remettre la réponse à plus tard durant son discours. Si plusieurs points d'information sont soulevés en même temps, l'orateur interrompu peut les refuser tous ou en retenir un seul. Les juges pénalisent l'excès de points d'information. Le temps requis pour poser les points d'information et y répondre compte dans la durée du discours.

(Août 1998)